CITÉ (iconographie)

CITÉ (iconographie)
CITÉ (iconographie)

CITÉ, iconographie

Les représentations de villes (cité et ville deviennent synonymes, dès le XVIIe siècle, dans le langage des géographes) constituent la source la plus abondante et la plus variée (diversité des supports et des techniques) de l’histoire de l’urbanisme en Occident. On peut distinguer deux catégories de représentations: les cartes, plans et vues à vocation didactique et les fonds de scène et les décors urbains (notamment dans la peinture européenne à partir du XIIIe siècle: Carpaccio, Wirtz, Dürer). Toutes deux, iconologiquement différentes eu égard à leurs motivations et à leurs significations, sont iconographiquement liées. Elles font également partie intégrante du discours spécifique tenu sur l’urbain depuis le XIIe siècle et l’évolution d’une forme de représentation à une autre rend chronologiquement compte de l’évolution de ce savoir. On peut distinguer plusieurs types de représentations: idéogrammatiques, symboliques, panoramiques, obliques et géométrales.

On trouve les représentations idéogrammatiques du IVe au XVe siècle dans les «Itinéraires en Terre Sainte», les «Mappae Mundi», puis les «Voyages d’outre-mer». Elles répondent d’abord à un désir de guider, lié à l’idée de voyage (pèlerinage). L’image de la ville se limite, le plus souvent, à un contenant schématisant une enceinte fortifiée et à un contenu figurant les objets architecturaux les plus signifiants parsemés dans le vide d’une cité sans réalité topographique. Cependant, deux villes, Jérusalem et Rome, accèdent dès le XIIe siècle à des représentations plus détaillées où commencent à apparaître tous les monuments et le dessin de quelques rues.

Au besoin de représenter la Ville sainte dans ses parties les plus signifiantes se superpose le désir de rendre de façon métaphorique l’idée même de sa sacralité; c’est la représentation symbolique. À partir du XIIe siècle, Jérusalem est symbolisée par une image circulaire plus ou moins complexe. À travers l’image idéalisée de la ville va naître la notion de représentation homogène et hiérarchisée du contenu: la ville (Jérusalem, puis d’autres comme Florence, Madrid, Paris) n’est plus représentable uniquement par quelques-uns de ses éléments remarquables groupés au hasard, mais elle est un tout complexe dont il n’est pas encore possible de rendre la complexité.

La représentation panoramique apparaît au XVe siècle. La prise de conscience de la ville comme objet d’un discours et la découverte de l’espace perspectif conduisent à un nouveau type de représentation: les panoramas ou portraits. Ils tentent de consigner le corps urbain dans sa réalité visible. La ville est représentée telle qu’un voyageur ou un navigateur peut la découvrir. La totalité apparente du système bâti est représentée et les monuments émergent au sein de l’ensemble urbain. L’essor et la diffusion des panoramas vont être liés à ceux de la gravure sur bois et à son utilisation dans les ouvrages imprimés. D’abord simples vignettes illustratives, ils sont ensuite réunis pour eux-mêmes: Liber chronicarum de Schedel (1493), Cosmographie universelle de Munster, (1580) Atlas de Mercator (1596), dans lesquels, cependant, le souci de rassembler le plus grand nombre de vues conduit souvent l’auteur à utiliser la même planche gravée pour représenter plusieurs villes (Schedel).

L’approfondissement du savoir urbain et un besoin de plus grande valeur documentaire conduisent à la représentation oblique du point de vue: l’œil s’élève et s’oriente. À partir du XVIe siècle, on passe à la vue à vol d’oiseau. Ce système permet de représenter chaque objet, quelle que soit sa situation (il n’y a plus de plans cachés), et l’orientation est conventionnellement choisie vers l’est afin de montrer les façades des églises. L’alliance du pittoresque panoramique (lisibilité des architectures en volumétrie) et du fonctionnel (lisibilité toponymique) explique son succès durant trois siècles — depuis le plan de Venise de Jacopo de Barbari (fin du XVe siècle) jusqu’au plan de Paris du XVIIIe siècle par Bretez (plan «de Turgot», 1739).

Avec l’apparition de nouveaux instruments de relevés topographiques dès la fin du XVIe siècle (utilisés d’abord à des fins poliorcétiques: relevés de fortifications), la représentation devient géométrale et scientifique. L’établissement des plans passe, au XVIIe siècle, aux mains des ingénieurs-géographes (plan de Paris par Gomboust, 1652). Le point de vue est vertical, le pittoresque disparaît peu à peu devant le repérage rigoureux (apparition de l’échelle de référence) qui conduit à la distinction essentielle de l’espace libre (la rue) et de l’espace bâti (l’îlot, juste signifié par sa limite viaire). La représentation géométrale, au XVIIIe siècle, devient outil de travail (plan de Paris de Verniquet, 1789), sert de base au plan dit des Artistes (1793), puis aux travaux d’Haussmann et outil de connaissance (plans des inondations de Paris par Buache en 1742). La commission de 1802 en fixe définitivement les codes (orientations nord-sud, symboles). Dès lors, la représentation ne figure plus que des données abstraites (parcelles, voirie, densités...), fragments savants d’une image globale oubliée puis retrouvée, dès la fin du XIXe siècle, grâce à la photographie aérienne.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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